Né en 1197 à Ghûmara au Maroc
Mort en 1258 à Humaytharâ, Egypte
Mes livres, ce sont mes élèves.
– Imam Shâdhili
› ZOUANAT Zakia, Ibn Mashîsh, Maître d’al-Shâdhili, 1998
› GRIL Denis, Le Saint Fondateur, Les Voies d’Allah, Les ordres mystiques dans l’Islam des origines à nos jours, Fayard, 1996
› GEOFFROY Eric, La Châdhiliyya, Les Voies d’Allah, Les ordres mystiques dans l’Islam des origines à nos jours, Fayard, 1996
› GEOFFROY Eric, sous la direction, Une voie soufie dans le monde. La Shâdhiliyya, Maisonneuve & Larose, Espace du Temps Présent, Edition Aïni Bennaï, 2005

Né au Maroc vers 1197, Abû l-Hasan al-Shâdhilî est un des saints les plus vénérés au Maghreb. Il est le fondateur de la confrérie Shâdhiliyya, une des grandes voies du soufisme qui a donné naissance à une vingtaine de branches soufies.
À la recherche d’un maître, il effectue à l’âge de 25 ans, un voyage en Iraq où un sage lui dit : « Tu cherches le Pôle alors qu’il se trouve dans ton pays. Retournes-y, tu le trouveras.» Effectivement sur une montagne au nord du Maroc habite un ermite du nom de Moulay Abd al-Salâm ibn Mashîsh qui l’attend et Abû l-Hasan devient son unique disciple. Après avoir reçu les instructions de son maître et accédé à la maîtrise spirituelle, il part en direction de la Tunisie.
Près de Tunis, Abû l-Hasan séjourne fréquemment lors de retraites dans une grotte, appelée Maghâra où un ermite chrétien avait auparavant médité. Cette grotte, encore visible de nos jours, est située sur une colline, dans le cimetière Djellaz. Au-dessus du sanctuaire, une mosquée a été érigée. En Tunisie, il est connu sous le nom de Sidi Belhassen. La forte affluence de disciples déplaît au cadi qui devient jaloux de son « succès », puis au Sultan qui devient méfiant. Comme d’autres spirituels sous différents régimes politiques, Abû l-Hasan se trouve en conflit avec le pouvoir. C’est pourquoi il décide d’aller s’établir en Egypte avec ses élèves.
En Egypte, la renommée de l’Imam al-Shâdhilî prend de l’envergure et c’est dans ce pays que la voie soufie Shâdhiliyya est fondée. On rapporte qu’il reçoit des visions du Prophète Muhammad avec des instructions et qu’il accomplit de nombreux miracles. Lorsqu’on lui demande pourquoi il ne consigne pas ses sciences par écrit, il répond : « Mes livres, ce sont mes élèves. » L’humilité et la sobriété font partie de sa vie. Il se contente d’être le serviteur de Dieu, ce qui en soi est la station spirituelle la plus élevée.
Toute sa vie est un exemple pour ses disciples. Son enseignement principal consiste à chercher Dieu, à pratiquer la sobriété et le non-attachement tout en vivant dans le monde. On raconte que l’Imam al-Shâdhilî était toujours vêtu de façon élégante, reflet de la phrase du Prophète « Dieu est beau et il aime la Beauté ». Plusieurs litanies remontent à l’Imam al-Shâdhilî, dont le célèbre Hizb ul-Bahr (Oraison de la mer), connu pour ses vertus protectrices, qui est toujours récité de nos jours par les initiés.
Régulièrement Abû-l Hasan se rend à La Mecque pour le pèlerinage. C’est au court d’un tel voyage en bordure de la Mer Rouge qu’il meurt dans le désert à Humaytharâ en 1258. C’est ici que se trouve son tombeau. Juste avant de quitter ce monde, il désigne Abû l-Abbâs al-Mursi, né en Andalousie, comme successeur. C’est le disciple et successeur de ce dernier, Ibn Atâ Allâh, qui rédigera un ouvrage avec l’enseignement de ses deux maîtres shâdhilîs.
La légende dit que c’est l’Imam al-Shâdhilî en personne qui invite les gens à visiter son tombeau en plein désert égyptien. Si c’est le bon moment, toutes les portes s’ouvrent. Sinon les portes restent closes. On rapporte que l’Imam al-Shâdhilî avait ramené de la Mecque une décoction de graines de caféier à ses disciples afin de rester éveillés la nuit…
De nombreux intellectuels européens se sont rattachés à la Shâdhilîyya : René Guénon, Frithjof Schuon, Titus Burckardt, Martin Lings, Michel Vâlsan, Jean-Louis Michon… Nombre de leurs ouvrages sont des livres de référence qui véhiculent une somme de connaissance représentant le fruit du travail de toute une vie.
— Catherine Touaibi
Toutes les personnes croisées au Caire nous l’affirmaient : «Humaytharâ ? Trop dangereux. La zone militaire, les contrôles… c’est impossible. Il vaut mieux oublier. »
Pourtant, nous ne pouvions nous résoudre à abandonner. Il devait y avoir un chemin. Comme si le désert lui-même nous appelait.
Le destin a aidé, à sa manière - par une valise qui céda à l'usure du voyage. Nous voilà donc à 21 heures dans une petite boutique du Caire. Mon regard fut attiré par le portrait du cheikh Ibrâhîm al-Disûqî accroché derrière le comptoir. Le propriétaire, étonné que je reconnaisse ce saint soufi, nous offrit un thé épicé. Une heure plus tard, nous repartions – une valise neuve à la main, une image sacrée sous le bras, et surtout… le bon itinéraire pour Humaytharâ.
Le désert et ses miracles
Voyage en train de Louxor à Eidfou. Sur la place poussiéreuse, il a fallu près d’une heure pour convaincre Hatim, notre guide, au regard hésitant. Le voyage étant assez long, il faudrait passer une nuit sur place. Dans sa camionette, Hatim déposa plusieurs bidons d’essence et une bonne réserve d’eau.
« Oui, elles font partie de ma famille », répétait-il à plusieurs reprises aux militaires lors des contrôles. Peu à peu, la route s’effaça en une piste dans le désert.
Humaytharâ, oasis spirituelle abritant le sanctuaire de l'Imam al-Shadhilî (mort en 1258), fondateur d'une des grandes voies soufies, se dévoilait enfin.
Hatim avait déjà conduit des visiteurs jusqu’ici, mais pour une raison inconnue, il n’avait jamais pénétré à l’intérieur du sanctuaire. Intrigué par la détermination de deux femmes venues spécialement d’Europe, il se décida à franchir le seuil et participa même à une séance de dhikr (invocation).
À peine franchi le seuil du sanctuaire, un oiseau blanc surgit dans la pénombre. Il décrivit trois cercles parfaits sous la coupole, comme un signe tracé dans l'air. Premier message silencieux de ce lieu au milieu du désert.
La générosité
Nous sommes en 2009. Le sanctuaire est en rénovation, et juste à côté la mosquée neuve en construction. Après la prière du vendredi, un inconnu me saisit la main, pressa son pouce contre le mien : « On se retrouvera au Paradis, inshAllah. » Puis il disparut dans la foule.
Hatim se met à la recherche d’un logement. Il n’y avait pas (encore) d’hôtel à Humaytharâ. Heureusement, à 500 mètres, la zâwiya de cheikha Zâkkiya nous ouvrait ses portes. Nourriture, thé, lit simple, nous avons été accueillies les bras ouverts. Ici, la générosité du cœur est incarnée au quotidien et les pourboires ont été poliment refusés.
Instants d’éternité
Le lendemain, nous quittons Humaytharâ le cœur léger, après un séjour où le temps semblait suspendu. L’immensité du désert est transformatrice. A l’intérieur de moi, j’y sens désormais un espace infini, comme un élargissement de la conscience. Une certitude m’habite : le mot « impossible » ne fait pas partie du dictionnaire divin !
– Catherine Touaibi