Cheikh Moulây al-‘Arabî al-Darqâwî – La voie du Pauvre

Né en 1760 au Rif, Maroc

Mort en 1823 à Douar Bourbih Tamouda, Maroc

A chaque fois que vous terminez une bonne action, n’ayez de cesse d’en entreprendre une autre.

— Cheikh al-Darqâwî

 

Evitez les sources de conflit en toutes circonstances.

— Cheikh al-Darqâwî

 

Ne parlez des gens que pour en dire du bien.

— Cheikh al-Darqâwî

Bibliographie
  • Sheikh Al-‘Arabî Ad-Darqâwî, Lettres d’un maître soufi, traduites de l’arabe par Titus Burckardt, Milan, Archè, 1978
  • Shaykh al-‘Arabî al-Darqâwî, Lettres sur la Voie spirituelles, traduction M. Chabry, présentation J. González, Saint-Gaudens, La Caravane, 2003
  • GEOFFROY Eric, sous la direction, Une voie soufie dans le monde. La Shâdhiliyya, Maisonneuve & Larose, Espace du Temps Présent, Edition Aïni Bennaï, 2005
Fondateur de la confrérie Darqâwiyya

Le cheikh Moulay al-‘Arabî al-Darqâwî al-Hassanî est une importante figure du soufisme marocain car il est considéré comme un rénovateur qui a fondé sa propre voie, la tariqa Darqâwiyya, issue de la grande Shâdhiliyya. Par la suite, la voie soufie Darqâwiyya donne naissance à d’autres ramifications dont la Yashrûtiyya, la Fâsiyya, la Habriyya et la Alâwiyya.

 

Son maître, le sherîf Abul-Hassan ‘Alî ben Abd-Allâh al Imrânî al-Hassanî, surnommé al-Jamal (le chameau) vit à Fès, dans l’obscurité, et est connu par quelques disciples seulement. Il lui annonce qu’il attendait depuis longtemps un disciple aussi perspicace que lui. Après plusieurs années passées auprès de son guide spirituel à Fès, le cheikh al-Darqâwî revient chez lui, dans la région des Béni Zerroual et sur conseil de son maître, ouvre une zawiya à Bû Brih pour la formation des novices. C’est d’ailleurs ici que se trouve son sanctuaire.

 

Le cheikh al-Darqâwî, qui a toujours prôné le dépouillement et la sobriété, a eu de nombreux élèves. On rapporte qu’il initia des dizaines de milliers de personnes. Il convient de rapeller que le cheikh Ahmed al’-Alâwî (m. 1934) était affilié à la voie soufie Darqâwiyya. Le cheikh al-Darqâwî nous laisse ses Lettres, dont une sélection est aujourd’hui rassemblée dans deux ouvrages. Son enseignement s’adresse aux disciples de la voie et, sur un ton d’une étonnante simplicité, met en valeur l’aspect pratique du soufisme.

— Catherine Touaibi

 
Récit de voyage

Octobre 2012. Avec deux amies, Souad et Chorok, nous sommes à Fès à la recherche d’un moyen pour nous rendre auprès du sanctuaire du Cheikh al-Darqawî. Personne ne répond présent aux adresses qu’on nous a indiquées. Il est près de 20h et la pluie tombe. Par hasard, en marchant dans une rue de la medina, nous découvrons une confrérie soufie (zawiya). L’accueil est chaleureux. Nous expliquons que nous souhaitons nous rendre chez le Cheikh al-Darqawî mais, suite à nos tentatives infructueuses, nous ne savons pas comment nous y prendre. C’est alors que parmi les personnes présentes un homme nous dit : « Je m’appelle Si Saïd et je suis un descendant du Cheikh al-Darqawî. Si cela vous rend service, je peux vous emmener demain matin là-bas. Il faudra pendre un taxi et je vous y guiderai.» Quel cadeau inespéré !

 

Le lendemain matin, à l’heure et l’endroit convenus, nous partons en taxi dans une grande Mercedes blanche. Le sanctuaire est situé dans un village à environ 150 km de Fès ou 3 heures en voiture. En chemin, nous sommes invitées pour le repas de midi dans la famille de Si Saïd. Un accueil des plus chaleureux chez des gens qui habitent une maison en terre battue. Comme souvent, les moins bien nantis sont aimables et généreux et n’hésitent pas à partager le peu qu’ils ont.

 

A nouveau en route, nous visitons le tombeau d’un des fils du Cheikh Darqawî, Moulay Tayyeb Darqawî Chorfa, qui prit la succession de son père. Le tombeau est en ruine. Cela me fait de la peine et je m’interroge : comment éviter d’en arriver là ? Que faire pour protéger le patrimoine ?

 

Les douze derniers kilomètres sont sur une piste dans un paysage aride et j’ai l’impression d’être au milieu de nulle part. Juste avant un pont nous bifurquons soudain vers la droite. Le trajet devient pénible et le chauffeur de taxi s’inquiète pour sa voiture comme le chemin est truffé de nids de poules, remplis de flaques d’eau et de boue jusqu’à parfois sur 5 mètres de long. Je prie le Ciel pour que la voiture ne s’embourbe pas. Nous roulons à 20 km/h. Heureusement Si Saïd connaît le chemin. Il y a plusieurs intersections sans aucun panneau indicateur et nous n’aurions jamais trouvé le chemin sans son aide.

 

Finalement nous arrivons au village Bû Brîh. Le sanctuaire est un bâtiment simple, sobre, dépouillé. A l’intérieur, Si Saïd chante du Sama ; j’ai la chaire de poule. A peine arrivé, le taxi nous dit qu’il veut déjà rentrer !…

 

Je sors du maqam, prends une photo, puis une deuxième. Le temps est maussade. Soudain, le soleil qui est en train de se coucher surgit de nulle part et illumine l’extérieur du bâtiment. J’ai l’impression de me trouver dans un paysage biblique d’une autre époque. D’un coup, le tombeau est recouvert de vie et de couleur. Cette scène est gravée dans ma mémoire. Je n’ai pas l’impression de faire des photos, mais plutôt que « ça » photographie à travers moi. Et c’est comme si je faisais partie du tableau. Quelque chose de plus grand en moi s’est élevé en moi. Tout va très vite, la scène dure peut-être cinq minutes et pourtant j’ai l’impression de vivre un instant d’éternité.

 

Quel combat pour arriver jusqu’ici ! Toutes les portes étaient fermées et soudain il y en a une qui s’ouvre… A travers cette scène, je reçois un enseignement magistral : toute situation peut, à tout moment, changer et se transformer en quelque chose d’inattendu et de magnifique. La vie est empreinte de magie et à certains moments, la nature nous la révèle !

– Catherine Touaibi