Ateşbâz-i Veli - le saint cuisinier des Mevlevis

Né en ? date inconnue

Mort en 1285 à Konya, Turquie

Bibliographie

Journal of Tourism and Gastronomy Studies 4/1 (2016) 96-103, Mustafa Aksoy.

Âteşbâz-i Veli a vécu à l’époque de Rûmî et son nom complet est Şemseddin Yûsuf b. İzzeddin. On dit qu’il serait arrivé à Konya avec le père de Rûmî, Bahâ al-Dîn Valad en provenance de Balkh ou de Karaman. Şemseddin Yûsuf a grandi dans le couvent (Dergah) et occupait le poste de cuisinier. Âteşbâz-i Veli occupe une fonction important pour Rûmi (Hz. Mevlana) et les Mevlevis.

 

Âteşbâz signifie « celui qui joue avec le feu ». Il reçoit ce nom suite à une légende : un jour il va voir Rûmî pour lui dire qu’il n’a plus de bois pour alimenter le feu et préparer la cuisine. Rûmi lui répond par une boutade: “Mets tes pieds sous le chaudron et cuisine! » Ainsi fut fait! Mais alors que le cuisinier est soudain envahi par le doute, son orteil du pied gauche brûle et prend feu. On rapporte cette situation à Rûmî qui répond “Ô Vivant, Mais pourquoi as-tu douté? - Ô Vivant”. Après cet épisode, le cuisinier Yûsuf est connu sous le nom de Âteşbâz.

– Bahar Can

 

Âteşbâz est le chef des novices qui entrent dans la voie et responsable de leur formation alors qu’il est également responsable de la cuisine dans le couvent de Rûmî. Il est principalement connu sous le nom de Aşçi Dede (grand-père cuisinier).

 

Pour tous les Mevlevis, la cuisine a une telle importance qu’à chaque repas cuisiné le nom de Âteşbâz-i Veli est prononcé ainsi que lors des prières après les repas. Ce code de politesse est une tradition qui perdure depuis huit siècles et représente un profond respect face au Vivant.

 

Douze ans après le décès de Rûmî (m. 1273), Âteşbâz quitte ce monde en 1285. C’est grâce à l’intervention de Sultan Valad, le fils de Rûmî, qu’un humble mausolée à sa mémoire est construit au 13ème siècle à Konya. C’est l’unique sanctuaire soufi dédié à un cuisinier.

 

Lors d’une visite au sanctuaire d’Âteşbâz-i Veli, il est coutume de rapporter chez soi un petit sachet de sel. La croyance populaire dit qu’une pincée de sel apporte une bénédiction dans la cuisine, que les repas seront bons et les maladies éloignées !

 

Le mausolée de Âteşbâz-i Veli se trouve dans le quartier de Meram, en dehors de la ville de Konya. Il est entretenu par la même famille depuis plus de quatre siècles.

 
Récit de voyage

8 juillet 2019. Le gardien du tombeau, Hüseyn est un homme affable issu de la même famille qui entretient ce lieu depuis plus de quatre siècles. Lorsqu’il me voit arriver pour la 2ème fois, il m’accueille chaleureusement et n’hésite pas à me laisser entrer dans une minuscule pièce située sous le sanctuaire. C’est là que se trouve la tombe. Dans cet espace, il m’enferme à clé pendant une vingtaine de minutes et me demande de garder le silence, face aux éventuels visiteurs. Camouflée dans un coin, accroupie, personne ne peut me voir. Soudain j’entends des pas, une femme arrive, je retiens ma respiration… Elle ne reste pas longtemps, elle ne m’a pas vue.

 

Durant ce bref moment passé dans cette cave, je passe un instant hors du temps. La Paix, le Silence et la Plénitude sont tangibles et respirables. Quel cadeau inouï de pouvoir vivre des instants aussi magiques et intenses !

– Catherine Touaibi