Baba Taher – La voie du derviche

Né en 947 à Hamadan, Iran
Mort en 1032 Hamadan, Iran

Les ermites se contentent d'une seule amande par jour, mais moi, Baba Taher, je me contenterai de ton sourire.

– Baba Taher

Baba Taher, né à Hamadan en Iran, est un soufi et poète derviche persan du 11ème siècle. Il occupe une place à part dans la poésie car ses quatrains mystiques sont rédigés dans un dialecte local assez difficile à comprendre. On sait très peu de choses sur sa vie, sauf qu’il vivait retiré dans les montagnes comme un ermite. Dans ses poèmes, les vertus de la simplicité, de la sincérité et de l’humilité sont mises en avant.

 

Son mausolée est situé sur une colline à Hamadan; le bâtiment est de forme octogonale, constitué de briques et de béton, assez récent car construit en 1965.

— Catherine Touaibi

 
Récit de voyage

En sortant de la voiture, mon regard se pose sur le mausolée au loin. Encore sous le charme des merveilles d’Ispahan, je laisse échapper un cri spontané : « C’est moche ! » La déception me submerge – le bâtiment, tout en béton, est loin de l’image que je m’en étais faite…

 

À l’entrée, deux hommes, probablement à la retraite, nous accueillent. Leurs visages trahissent une lassitude profonde, et ils nous confient, sans détour, les difficultés de leur quotidien. Nous sommes au printemps 2019, en pleine période de durcissement des sanctions contre l’Iran, et la vie devient chaque jour plus chère.

 

Pourtant, dès que je pénètre dans le sanctuaire, quelque chose change. Des hommes, assis çà et là, se mettent soudain à chanter des poèmes de Baba Taher. Une flûte se joint à leurs voix, et les mélodies emplissent l’espace d’une résonance envoûtante. L’émotion me submerge : la chair de poule, les larmes qui coulent sans retenue… L’acoustique est magique, et sous ces voûtes austères, tout semble s’animer d’une vibration presque sacrée. Nous ne sommes plus que des âmes connectées, unies par cette musique qui transcende les mots. Les regards des hommes, brillants d’émotion, croisent le mien – ils sont touchés de me voir si bouleversée.

 

Je découvre alors que ce groupe se réunit régulièrement pour interpréter les quatrains du grand poète mystique. Leurs visages, empreints d’une douceur infinie, s’illuminent en chantant. Une idée folle me traverse l’esprit : Et si je les invitais en Europe pour un concert ? Notre guide traduit ma proposition… et leur réponse fuse, joyeuse : « Insh’Allah ! »

 

Le flûtiste, artisan passionné, nous invite ensuite dans son atelier, où il fabrique lui-même ses instruments. Ce moment partagé, simple et profond, achève de transformer cette visite en une expérience inoubliable.

 

Ce jour-là, le mausolée m’a offert une leçon inestimable : lorsque les êtres humains se rassemblent pour créer, chanter et partager, les pierres elles-mêmes s'imprègnent de leur chaleur. La beauté naît de l’authenticité, et la grâce surgit là où on l’attend le moins.

 

Merci, Baba Taher.

 

 

– Catherine Touaibi