Ibn Battûta – Le grand voyageur

Né en 1304 à Tanger, Maroc
Mort en 1369 à Tanger, Maroc

Bibliographie

› CHELHOD Joseph. Ibn Battuta, ethnologue. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, n°25, 1978. pp. 5-24; https://www.persee.fr

› Ibn Battûta, Voyages I, De l’Afrique du Nord à La Mecque, Paris, La Découverte, 1997

Ibn Battûta est l’un des plus grands voyageurs de tous les temps: explorateur infatigable, il a parcouru 120'000 km sur près de 30 ans. Ses voyages sont comparables uniquement à ceux de Marco Polo. Né à Tanger, le 24 février 1304, Ibn Battûta quitte la ville à l’âge de 21 ans pour entreprendre le pèlerinage à la Mecque. Son périple se poursuit vers l’Irak et la Perse. Il prend goût aux voyages, fait des rencontres hors du commun, loge en Egypte et en Iran d’une zâwiya (confrérie soufie) à l’autre et effectue des séjours prolongés dans certains pays. Il travaille pendant sept ans comme juge (cadi) en Inde, puis en Chine où il occupe le poste d’Ambassadeur du Sultan de l’Inde.

 

Son parcours est impressionnant : il voyage du Maroc à la Chine en passant par l’Asie centrale, le Yémen, les Maldives, l’Indonésie. Au total il effectue quatre longs voyages.

 

Doué d’un remarquable esprit d’observation et d’une étonnante mémoire, Ibn Battûta a dicté le contenu de ses Voyages à Ibn Juzayy dans lesquels il laisse une formidable mine de renseignements au niveau géographique, historique et ethnographique sur les contrées visitées, qui, aujourd’hui sont au nombre de 44 pays !

 

Au cours de ses voyages, Ibn Battûta a eu l’occasion de rencontrer des Cheikhs soufis et s’est affilié à plusieurs confréries dont la Rifaïyya, la Sohrawardiyya et la Shâdhiliyya.

— Catherine Touaibi

 

Ci-après un extrait de son récit de voyage en Egypte :

 

« Pendant mon séjour à Alexandrie, j’avais entendu parler du cheïk Abou Abd Allah Almorchidy, homme pieux, adonné aux pratiques de dévotion, menant une vie retirée et disposant de richesses surnaturelles. Il vivait retiré dans un ermitage. […] Les émirs et les vizirs venaient le trouver et des troupes de visiteurs, appartenant aux diverses classes de la société, arrivaient chez lui quotidiennement. Il leur servait à manger. Chacun d’eux désirait manger de la viande, ou des fruits, ou des pâtisseries. Il servait à chacun ce qu’il voulait, et souvent même des fruits ou des légumes hors de saison. […]

 

Lorsque j’entrai chez le cheikh, il se leva, m’embrassa, fit apporter des aliments et mangea avec moi. […] Lorsque l’heure de la prière de l’asr fut arrivée, il me chargea de présider en qualité d’Imâm. Il en usa de même pour toutes les autres prières durant tout le temps de mon séjour dans son habitation. Lorsque je voulus me coucher, il me dit : « Monte sur le toit de la zaouiah et dors en cet endroit. » […]

 

Cette nuit-là, pendant que je me reposais sur le toit de la zaouiah, je me vis en songe porté sur l’aile d’un grand oiseau, qui volait dans la direction de la Kiblah. […] Le lendemain, le Cheikh m’expliqua mon songe. « Tu feras le pèlerinage de La Mecque, tu visiteras le tombeau du Prophète, tu parcourras le Yémen, l’Irâk, le pays des Turcs et l‘Inde. Tu resteras longtemps dans cette dernière contrée, et tu y verras mon frère Dilchâd alHindy, qui te tirera d’une affliction dans laquelle tu seras tombé. »

 

Cela dit, il me pourvut de petits biscuits et d’argent pour le voyage ; je lui fis mes adieux et je partis. Depuis que je l’ai quitté, je n’ai éprouvé dans le cours de mes voyages que de bons traitements ; et ses bénédictions me sont venues en aide. Parmi tous ceux que j’ai rencontrés, je n’ai pas trouvé son pareil, si l’on en excepte l’ami de Dieu Sidi Mohammed almoulah, qui habite l’Inde.»

 

– Ibn Battuta, Voyage I, de l’Afrique du Nord à la Mecque

 
Récit de voyage

L’aéroport de Tanger porte son nom, Ibn Battûta. Avec des amies, nous allons faire une visite au sanctuaire d’Ibn Battûta situé au milieu de la vieille ville de Tanger. Heureusement que Fatima qui parle arabe nous accompagne ! Pour trouver le lieu, tout un parcours est nécessaire et il faut demander le chemin à plusieurs reprises. Finalement nous arrivons et, surprise, le sanctuaire est vraiment de petite taille, encastré entre deux ruelles. C’est assez inattendu qu’un personnage qui a effectué de grands voyages jusqu’au bout du monde repose dans un si minuscule sanctuaire. Un numéro de téléphone est affiché sur la porte fermée. Fatima appelle et le gardien lui répond: « Je prends un taxi et j’arrive ». Nous patientons tranquillement sous un soleil de plomb. Un garçon, Ali, joue dans la rue. Il est rayonnant et a l’air content de nous voir. Un jeune couple passe par là, Elise et Joseph ; s’ensuit une discussion à bâtons rompus jusqu’à l’arrivée du gardien, Si Mokhtar. Ce dernier nous informe que le tombeau est habituellement ouvert à partir du coucher du soleil à la nuit, entre les prières de Maghreb et Isha. Mais comme nous venons d’Europe, et l’hospitalité au Maroc est une valeur importante, il n’hésite pas à nous rendre service. En ouvrant la porte on découvre la dernière demeure d’un personnage hors du commun, un lieu qui respire autant la simplicité que l’humilité.

– Catherine Touaibi