Yûsuf Hamadâni - La voie des Maîtres

Né en 1048 à Bouzanjird (Hamadan), Iran

Mort en 1141 à Merv, Turkmenistan

Soyez vigilant à chaque respiration. Que chacune de vos respirations soit pleine de conscience et de joie.

— Yûsuf Hamadâni

 

Bibliographie

› ZARCONE Thierry, « La Naqchbandiyya » dans Les Voies d’Allah, Les ordres mystiques dans l’Islam des origines à nos jours, Sous la direction de Alexandre Popovic et Gilles Veinstein, Fayard, Paris, 1996

› ZARCONE Thierry, « L’Iran » dans Les Voies d’Allah, Les ordres mystiques dans l’Islam des origines à nos jours, Sous la direction de Alexandre Popovic et Gilles Veinstein, Fayard, Paris, 1996

Khoja Yûsuf Hamadâni (m. 1140) était un érudit dans son temps et il est aujourd’hui considéré comme l’un des pères fondateurs du soufisme. Il a été initié par le maître de l’Imam Al-Ghazali (m. 1111), le Cheikh Abu Ali Farmadhi (m. 1084).

 

Ce qui distingue Yusuf Hamadani est qu’il est le premier dans l’histoire du soufisme à recevoir le titre de Khwaja (Maître de sagesse) de la Voie des Khwajagan ce qui signifie la Voie des Maîtres. Par la suite, deux de ses successeurs ont eux-mêmes fondés des confréries soufies : Ahmad Yasawî (m. 1166) fut à l’origine de la Voie soufie Yasawiyya qui s’est développée dans les milieux nomades turcs. Abdul Khâliq Ghujduwânî (m. 1179) est considéré comme un des initiateurs de la Naqshbandiyya.

 

Un grand complexe récemment rénové et composé d’un couvent, d’une mosquée et du mausolée de Yûsuf Hamadâni se trouvent à Merv, aujourd’hui au Turkmenistan. A l’époque Merv était un important centre sur la Route de la Soie, comparable à la ville du Caire. En 1221 la ville fut totalement détruite par les Mongols. Depuis 1999, l’ancienne citée de Merv est inscrite au patrimoine de l’UNESCO.

— Catherine Touaibi

 
Récit de voyage

21 septembre 2019 : visite du sanctuaire de Yûsuf Hamadâni à Merv au Turkmenistan. C’est un grand complexe, entièrement rénové, et j’observe au loin six femmes, dans leurs élégantes robes turkmènes. Lorsqu’elles s’approchent du mausolée, elles caressent la pierre avec leurs mains, puis touchent leurs visages en tournant trois fois autour du bâtiment dans le sens contraire d’une montre tout en récitant des prières. Ensuite elles s’éloignent et disparaissent de ma vue.

Au bout d’un certain temps, intriguée je me demande où elles sont passées. Suivant mon intuition, je me dirige au bout du périmètre où j’aperçois un sentier. Je fais quelques pas et un autre monde s’ouvre à moi : d’abord j’aperçois un arbre à rubans, puis au fur et à mesure que j’avance, des pierres disposées avec soin sur le sol. Je réalise que je suis entrée en terre « chamane » et je comprends que les traditions chamaniques sont restées vivantes en sus des « croyances officielles ». Ici tout est dans la discrétion. J’arrive à un endroit où il y a une tombe. Plus loin de nombreux rubans en tissus sont attachés à un autre arbre. La jeune femme aperçue au sanctuaire effectue un rituel et s’incline trois fois sous ses branches. Plus tard on me dira que c’est une tradition pour favoriser la fécondité car la jeune femme vient juste de se marier.

 

Au retour je m’assieds sur un banc, en face du mausolée. Une femme, d’un certain âge, s’approche de moi. Elle m’interroge « Russka ? », est-ce que je suis Russe ?, et me tend un sac en plastic sur lequel est inscrit en grosses lettres: kabul bolsun. Elle insiste que j’accepte ce cadeau. C’est bien la première fois qu’on m’offre un sac en plastic ! Puis sa fille me donne une figurine en laine, qu’elle fixe à mon habit, ouvre son porte-monnaie et me présente une petite rondelle de bois sacré. Je les remercie, nous nous embrassons et elles s’en vont.

 

J’observe que de nombreuses femmes et leurs enfants au Turkmenistan portent une amulette sur leur vêtement. C’est une ancienne coutume de la région pour se protéger et éloigner le mauvais œil. Espérons que ce porte-bonheur soit aussi actif sous nos latitudes…

– Catherine Touaibi